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Prégabaline : Médicament détourné à des fins récréatives

En janvier 2024, le CAPM a reçu un cas de mésusage de la prégabaline. Il s’agit d’un sujet de sexe masculin âgé de 30 ans qui a consommé dans le cadre de la toxicomanie 3cp de prégabaline 150mg avec de l’ecstasy.

De plus, lors du premier symposium de toxicologie clinique organisé par l’Université Mohammed 6 des Sciences et de de la Santé de Casablanca, en collaboration avec le Centre Antipoison et de Pharmacovigilance du Maroc, deux cas cliniques d’intoxication par la prégabaline dans le cadre de toxicomanie ont été rapportés.

La prégabaline (Lyrica® et ses équivalents génériques) et la gabapentine (Neurontin®) font partie de la famille des gabapentinoïdes ; utilisée dans le traitement des douleurs neuropathiques, de l’épilepsie et des troubles anxieux généralisés. La prégabaline est parfois prescrite hors indication dans le traitement des douleurs lombaires ou radiculaires. Le mécanisme d’action de la prégabaline serait expliqué par son action sur la transmission GABAergique et sa liaison à des canaux calciques voltage-dépendants activant les voies noradrénergiques descendantes et conduisant à une analgésie. L’absorption orale est rapide et l’élimination est principalement rénale avec une demi-vie courte (6,3 heures) [1].

L’usage détourné de la prégabaline est documenté en Europe depuis 2009 et en expansion dans les différents pays notamment en période de confinement COVID. Cet usage résulte des propriétés euphorisantes, relaxantes et désinhibantes de la prégabaline en particulier si consommée à dose élevée et/ou en association avec d’autres drogues (opiacés, alcool, benzodiazépines, cannabis, cocaïne...). La prégabaline est obtenue illégalement dans la plupart des cas (entourage consommant le médicament dans un cadre thérapeutique, ordonnance falsifiée, nomadisme ou deal/achat de rue) [1].

Les doses récréatives sont généralement comprises entre 200 mg et 900 mg/24h, allant parfois à 3000 mg/24h. La Prégabaline est consommée majoritairement par voie orale. L’utilisation du sniff et de la voie rectale (sous forme de « plugging ») est aussi décrite [2].

Les symptômes d’intoxication les plus fréquemment rapportés sont les suivants : somnolence, céphalées, tachycardie, tremblements, convulsions et coma. La base européenne Eudravigilance rapporte également des effets toxiques cardiaques avec la prégabaline (bloc auriculo-ventriculaire). L’usage concomitant avec des opiacés (ou autre dépresseur respiratoire) pourrait majorer le risque de dépression respiratoire sévère et de décès. Les gabapentinoïdes semblent d’ailleurs être une cause de mortalité insuffisamment recherchée en médecine légale. En cas d’usage régulier et répété sur plusieurs semaines, un phénomène de tolérance peut s’installer. La prégabaline peut également entrainer un risque de dépendance physique et psychique. Des symptômes de sevrage physique peuvent survenir à l’arrêt : insomnie, sueurs, maux de tête, anxiété, nervosité, dépression, nausées, diarrhée, état grippal, douleurs musculaires. Les symptômes de manque physiques se manifesteraient surtout dans les premières 48h qui suivent l’arrêt. Au niveau comportemental, son usage est associé à une augmentation des idées suicidaires et des passages à l’acte suicidaire, des accidents de la route, et de l’agressivité [3].

En France,  depuis 2021 et afin de limiter le mésusage  et  les risques  associés à l’utilisation de la prégabaline , la durée de sa prescription est limitée à 6 mois et nécessitera une ordonnance sécurisée. De plus, cette molécule bénéficie depuis 2013 d’un suivi d’addictovigilance.

Le CAPM recommande aux professionnels de santé d’être vigilants aux intoxications par la prégabaline, et d’y penser devant des troubles neurologiques et cardiorespiratoires dans un contexte de polytoxicomanie surtout chez les jeunes consommateurs.

 

1-EUROTOX Usage et mésusage de prégabaline (Lyrica) : Appel à la vigilance. Bruxelles : Eurotox ;2022. Available from : https://eurotox.org/2022/01/28/usage-et-mesusage-de-pregabaline-lyrica appel-a-la-vigilance/

2- Elsayed M, Zeiss R, Gahr M, Connemann BJ, Schönfeldt-Lecuona C. Intranasal Pregabalin Administration: A Review of the Literature and the Worldwide Spontaneous Reporting System of Adverse Drug Reactions. Brain Sci. 13 nov 2019;9(11)

3- Evoy KE, Sadrameli S, Contreras J, Covvey JR, Peckham AM, Morrison MD. Abuse and Misuse of Pregabalin and Gabapentin: A Systematic Review Update. Drugs. 2021 Jan;81(1):125-156.